Cette chronique s'articule entre autres autour de quelques causes que nous souhaitons défendre. Elle est susceptible d'essaimer en quelques sous-rubriques au gré des envies.

lundi 24 janvier 2011

Il Barbiere di Siviglia (Rossini) - Paris, Châtelet, du 22 au 30 janvier 2011

Cinq représentations seulement, et réparties sur une seule semaine, c'est bien peu pour cette adorable production venue de Madrid - le théâtre du Châtelet nous avait habitués à plus ces derniers temps, et à l'heure où nous écrivons, seuls quelques parisiens pourront encore s'y précipiter... Dommage !

Le rideau ne s'est pas encore levé sur ce nouveau Barbier que les bonnes surprises commencent dans la fosse. Jean-Christophe Spinosi anime une ouverture bondissante où les timbres fruités des vents de l'ensemble Matheus font merveille. Evitant tout systématisme (surtout dans l'usage du rubato, poncif des rossiniens maladroits...), aux petits soins pour ses chanteurs, le chef réussit le brio sans l'esbroufe, le piquant sans l'acidité. Son éclairage "historiquement informé" rend à l'ouvrage tout ce qu'il doit au XVIIIe siècle sans jamais sacrifier l'émotion. Il est bien loin, le temps où l'on croyait que les orchestres d'instruments anciens étaient condamnés à un son étriqué et à une approche cérébrale...

La mise en scène d'Emilio Sagi semble partir du principe selon lequel il n'y a pas de mal à se faire du bien. Avec ses changements de décor à vue simples et astucieux, son noir et blanc réhaussé d'argent cédant la place à un final coloré comme un rêve d'enfant, l'ensemble se veut élégant et ludique. De petits gags ponctuent le spectacle sans jamais le parasiter, leur force est sans-doute de toujours s'appuyer sur le texte sans jamais chercher à le compléter. Mention spéciale pour le rôle de la gouvernante Berta, hilarante présence, muette la plupart du temps (son rôle chanté n'a subi aucun ajout), râleuse et goguenarde, ponctuant les airs de ses maîtres d'une gestuelle de mamma italienne !
Des danseurs bohémiens aux soldats débonnaires dignes de ceux d'Offenbach, tout le monde est là pour le plaisir, de telle sorte que rien ne sent l'effort - et pourtant ! On voit ici ce qu'apporte une direction d'acteurs particulièrement soignée : jamais rien de répétitif (même pendant les longues vocalises) et jamais de gesticulation, rien qu'une éloquence gestuelle très latine qui sied parfaitement au grain de folie de cette Espagne de fantaisie.

Il faut dire que les chanteurs jouent parfaitement le jeu. Voici une distribution sans faute, vocalement comme théâtralement, cohérente et assortie tant au charme ludique de la mise en scène qu'à l'allégement voulu par le chef.
Comte Almaviva svelte et juvénile, Bogdan Mihai n'est pas un monstre de puissance mais il vocalise avec une aisance épatante, et son complice Bruno Taddia campe un Figaro tout en finesse, avec bonne humeur et sans rodomontades.
A qui n'en peut plus des Rosine acidulées, ou au contraire distribuées à des voix verdiennes hors-sujet, nous recommandons l'interprétation d'Anna Stephany, mezzo tout en élégance, belle incarnation d'une jeune femme spirituelle et déterminée.

Ce qu'on entend est frais comme au premier jour, ce qu'on voit est amusant et conduit avec fluidité : les secrets d'une bonne soirée sans arrière-pensée.
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Cette production a été créée à Madrid en 2005, et l'on peut espérer qu'elle sera reprise ailleurs prochainement. En attendant, un DVD (Decca, ref. 074 3111) témoigne des représentations madrilènes. Les choix musicaux y sont sensiblement différents et pour tous dire plus traditionnels, mais la distribution bénéficie du toujours impeccable Juan Diego Florez au sein d'une distribution de stars (Maria Bayo, Ruggero Raimondi...). Il nous reste à mentionner que la captation vidéo fait perdre au spectacle beaucoup de sa lumière, que la réalisation fait l'impasse sur beaucoup des gags visuels et que la distribution parisienne nous a semblé plus déjantée que celle de Madrid - mais ce dernier point est hautement subjectif...

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